Maladie professionnelle et accidents de service : les réflexes à avoir pour demander un CITIS

Dans la fonction publique, il est très fréquent que les fonctionnaires soient malades à cause du travail, soit parce qu’ils subissent un accident de trajet ou dans leurs fonctions, soit qu’ils développent une maladie professionnelle. Toutefois, nombreux sont ceux qui ne pensent pas à faire valoir le congé spécifique auquel ils ont pourtant droit, se contentant de demander des congés de maladie classiques (CLM longue maladie ou CLD longue durée).

Or dans ces cas-là, il existe un congé spécifique appelé le CITIS; afin de pouvoir en bénéficier, il faut faire attention à un certain nombre d’éléments.

 

 

Il est tout d’abord important de définir les termes utilisés.

La notion d’accident de service s’applique premièrement à tout accident survenu dans le temps de travail et au sein du service d’affectation. Mais également aux accidents survenus en dehors du temps ou du lieu de service, si l’activité exercée en constitue un prolongement normal; ainsi qu’aux accidents de trajet depuis ou vers le lieu de travail.
Quant aux maladies professionnelles, elles correspondent soit à des maladies inscrites à des tableaux spécifiques du code de la sécurité sociale, soit à des maladies qui sont essentiellement et directement causée par l’activité professionnelle et entraînent une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %.

 

Ces deux catégories de problèmes (accidents et maladies) peuvent ouvrir droit à un congé spécifique, appelé CITIS (congé pour invalidité temporaire imputable au service). Ce congé présente plusieurs avantages par rapports aux congés maladies classiques (CMO, CLM ou CLD):

  • il n’est pas limité dans le temps, et pourra être appliqué jusqu’à la guérison de l’agent ou sa mise à la retraite;
  • il permet de bénéficier d’un plein traitement tout le long de sa durée;
  • il permet la prise en charge des frais médicaux entraînés par l’accident ou la maladie (frais de visites médicales, de soins, d’hospitalisation, de médicaments, d’analyse, etc.).

Toutefois, il n’est pas rare de constater que les agents ne pensent pas à demander ce CITIS, généralement parce qu’ils ne connaissent pas ce congé et que leur employeur ne leur en a pas parlé.

 

Le premier réflexe à avoir dans ces cas-là est donc de se demander si l’accident ou la maladie subie par l’agent est causée par l’exercice des fonctions ou pas. Si la réponse est oui, alors il faut entrer dans une démarche de demander le CITIS: car il ne sera pas accordé sans demande.

 

Le deuxième réflexe est de remplir un formulaire de demande d’accident ou de maladie professionnelle. Généralement, les administrations établissent des formulaires spécifiques et il convient alors d’en faire la demande auprès du service des ressources humaines. A défaut, un formulaire générique, valable partout, est disponible sur internet :

 

  • celui pour l’accident de service et l’accident de trajet:

https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Autres%20pages/Temps%20de%20travail%20et%20cong%C3%A9s/20190221-Declaration-AS.pdf

 

  • celui pour la maladie professionnelle:

https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Autres%20pages/Temps%20de%20travail%20et%20cong%C3%A9s/20190221-Declaration-MP.pdf

 

!!! Une chose à avoir en tête: le certificat d’arrêt de travail établi par le médecin ne peut pas valoir déclaration d’accident de service ou de maladie professionnelle, même si sur le document le médecin a coché la case accident ou maladie.

En effet, seule une déclaration en bonne et due forme a valeur juridique.

 

Le troisième réflexe à avoir est la rapidité. En effet, les textes législatifs et réglementaires ont imposé des délais pour le dépôt des déclarations d’accident ou de maladie:

  • Pour un accident, le délai d’envoi de la déclaration est de 15 jours à compter la date de l’accident ; au-delà, la déclaration est possible pendant 2 ans à compter de l’accident mais doit être effectuée dans les 15 jours de sa constatation médicale,
  • Pour une maladie, le délai d’envoi de la déclaration est de 2 ans. Ce délai court : soit à compter de la date de première constatation médicale de cette maladie ; soit à compter de la date du premier certificat médical établissant un lien entre une maladie déjà constatée et mon activité professionnelle.

Et bien sûr, en cas d’arrêt de travail, il ne faut pas oublier de transmettre l’arrêt au service RH dans les 48 heures suivant son établissement.

 

Il est primordial d’avoir ces délais en tête car en cas de déclaration tardive, l’administration pourra tout simplement rejeter la demande.

 

Par la suite, s’ouvrira une procédure d’instruction par l’employeur, qui pourra entraîner la saisine du conseil médical pour avis. L’avis d’un médecin agréé peut également être requis. Pendant la période d’instruction, l’administration doit traiter rapidement la demande, ou à défaut placer l’agent en position de CITIS provisoire.

 

Après que le conseil médical se sera prononcé sur la déclaration d’accident ou de maladie professionnelle, il reviendra à l’administration employeur de prendre une décision de placement en CITIS ou de refus de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

Cette décision, si elle est défavorable, peut faire l’objet d’un recours gracieux ou contentieux.

 

 

 

La procédure disciplinaire : étapes et conseils pour se défendre utilement

Vous êtes fonctionnaire ou contractuel de la fonction publique, et vous venez de recevoir un courrier vous informant de l’engagement d’une procédure disciplinaire à votre encontre ? Ou vous avez peut-être seulement été convoqué à un entretien informel et souhaitez prendre les devants pour organiser votre défense ? Voici les étapes importantes d’une procédure disciplinaire, et comment l’assistance d’un avocat peut être utile.

 

 

Lorsqu’un agent a commis une faute de nature à justifier une sanction, une procédure disciplinaire peut être déclenchée. Eventuellement, l’administration peut prononcer une mesure de suspension à l’encontre de son agent.

Un mot sur la suspension de fonctions : il s’agit d’une mesure conservatoire, n’ayant pas de caractère de sanction. Il ne s’agit pas d’un moyen pour l’administration de sanctionner avant d’avoir mené la procédure, mais simplement de considérer qu’il est plus important pour le service que l’agent en soit écarté momentanément. Si vous vous trouvez dans ce cas, rien ne sert de chercher à contester à tout prix cette mesure de suspension, car 1) elle est généralement parfaitement légale et justifiée, 2) elle vous permet, tout en conservant votre rémunération, de ne plus être en poste pendant plusieurs semaines et donc de commencer à préparer votre défense pour la suite.

 

Revenons au début de la procédure disciplinaire : elle commence par l’envoi d’un courrier à l’agent, par lequel l’administration employeur l’informe de la procédure engagée contre lui et des faits reprochés. Ce courrier est crucial, car il doit contenir certaines indications précises, dont l’absence pourrait par la suite être utilisée pour contester la sanction disciplinaire.

NB: A ce stade de la procédure, il peut être très judicieux de demander à aller consulter son dossier individuel. Ce dossier, établi pour chaque agent, contient tous les documents administratifs qui le concernent, ainsi que tous les rapports, notes internes, courriels, que l’administration pourrait vouloir utiliser contre lui pour fonder une décision de sanction.

 

Ensuite, l’administration peut décider de convoquer l’agent à un entretien préalable. Cette étape n’est pas obligatoire; mais si elle est organisée, elle peut être une bonne occasion de faire entendre sa version des faits. D’où l’importance d’être bien préparé pour cet entretien, d’autant qu’il s’agit là de la dernière occasion d’éviter la saisine du conseil de discipline. Important: pour cette étape l’agent peut déjà être accompagné par un défendeur de son choix.

 

Ensuite, l’administration peut décider:

  • soit d’abandonner la procédure, si elle a été convaincue par la version et les arguments de l’agent;
  • soit de prendre, sans procédure supplémentaire, une sanction relevant du premier groupe (article L. 533-1 du code général de la fonction publique: les sanctions sont classées dans une échelle comportant 4 groupes de sanction, allant de la plus faible (l’avertissement) à la plus lourde (la révocation));
  • soit d’envisager une sanction relevant du 2ème, 3ème ou 4ème groupe: et dans ce cas elle doit saisir le conseil de discipline avant de prendre la décision.

 

Le conseil de discipline est une instance paritaire, émanation des commissions administratives (ou consultatives) paritaires, c’est-à-dire composée pour moitié de représentants du personnel et pour moitié de représentants de l’administration. Elle se réunit à la demande de l’administration, pour rendre un avis sur le dossier qui lui est soumis.

Cette étape est très importante, pour plusieurs raisons:

  • c’est la dernière étape avant que l’administration décide de prendre – ou pas – la décision de sanction;
  • l’enjeu est important car si un agent se retrouve devant cette instance, c’est que la sanction envisagée est lourde, voire très lourde ;
  • l’avis de cette instance est en général très suivi : si elle rend un avis favorable à la sanction, cela facilitera la tâche de l’administration dans sa décision; inversement, si elle rend un avis défavorable, il sera plus difficile pour l’administration d’aller au bout de la procédure.

 

L’agent sera donc convoqué à une date précise, à laquelle lui comme son employeur seront entendus. Il a doit à obtenir communication du rapport de saisine qui aura été rédigé par son employeur, ainsi que des pièces qui y sont jointes, afin d’organiser sa défense en fonction des éléments qui lui sont reprochés.

La séance est orale ; mais en fonction des faits et de leur complexité, il peut être judicieux de préparer en amont des observations écrites. Ces observations constitueront une réponse au rapport de l’administration, et sera étudié en amont de la séance par les membres du conseil de discipline.

 

Le jour de la séance, l’agent doit se présenter en personne. Il peut – et cela est d’ailleurs fortement recommandé – se présenter accompagné d’un ou plusieurs défendeurs de sn choix. Il peut s’agir bien sûr d’un avocat, mais aussi d’un collègue ou d’un représentant syndical – ou les trois à la fois.

Il peut également faire citer des témoins le jour de la séance, ce qui peut être intéressant en fonction des situations.

 

Puis, quelques semaines après la séance, l’agent reçoit communication de l’avis rendu par le conseil de discipline. La décision finale de l’administration pourra être prise à ce moment-là.

 

A réception de la décision de sanction, s’ouvrira une nouvelle étape: celle de l’éventuelle contestation de la décision rendue, avec la saisine du juge administratif. Ce recours doit être réfléchi, notamment par rapport à la rédaction de l’avis du conseil de discipline et aux faits reprochés. Plusieurs types de recours sont envisageables à ce stade.

 

Ainsi, l’engagement d’une procédure disciplinaire n’est pas neutre, et peut mener à des décisions radicales pour l’agent. Il est important d’être préparé à toutes les étapes, afin de ne rien omettre et de bien se défendre. Le choix d’être accompagné par un avocat peut justement permettre d’avoir à ses côtés un professionnel rôdé à ce type de procédures, qui saura en détecter les failles éventuelles et vous préparer correctement pour cette épreuve.

 

N’hésitez pas à contacter le cabinet pour plus de renseignements: https://www.avocats-vl.fr/contact/

Enseignants : quelle protection juridique face aux abus des parents d’élèves ?

 

A la suite d’un rapport d’information du Sénat en date du 5 mars 2024 mettant en lumière la problématique des violences contre les enseignants, une proposition de loi pourrait bientôt voir le jour visant à rendre automatique l’octroi de la protection fonctionnelle pour ces personnels.

Les enseignants peuvent en effet parfois être confrontés à des abus de la part de parents d’élèves, allant de l’intimidation verbale aux accusations injustifiées. Quelles sont les protections juridiques existantes pour les enseignants en France face à de telles situations ? Un tour d’horizon des dispositions légales, des recours possibles et des responsabilités des différentes parties prenantes.

 

Cadre juridique général

 

En France, le droit à la protection des enseignants est inscrit dans plusieurs textes législatifs et réglementaires. La Constitution de 1958 garantit les droits fondamentaux, y compris la dignité et l’intégrité des personnes, ce qui inclut les enseignants dans l’exercice de leurs fonctions.

Le Code de l’éducation prévoit également des mesures spécifiques pour protéger les enseignants. L’article L.111-1 du Code de l’éducation affirme que « l’éducation est la première priorité nationale » et que les conditions d’enseignement doivent être respectueuses et sécurisées pour tous les acteurs de la communauté éducative, y compris les enseignants.

 

Les protections spécifiques

 

  • La protection pénale

Les enseignants sont protégés par le droit pénal contre les violences, les menaces et les outrages. Les articles 433-3 et suivants du Code pénal répriment les menaces, les actes d’intimidation et les outrages contre les personnes exerçant une fonction publique, incluant les enseignants. Les peines peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

 

  • La protection civile

En matière civile, les enseignants peuvent demander réparation en cas de diffamation ou d’atteinte à leur réputation professionnelle. L’article 1240 du Code civil permet à toute personne victime d’un dommage, y compris les enseignants, de demander réparation de ce préjudice.

 

  • La protection administrative

Le Code général de la fonction publique prévoit que l’administration a le devoir de protéger ses agents. L’article L. 134-1 de ce code impose à l’État de protéger les fonctionnaires contre les attaques dont ils peuvent être l’objet dans l’exercice de leurs fonctions. Cela inclut le soutien juridique en cas de poursuites ou d’attaques injustifiées.

 

Recours et Procédures

 

  • Les recours internes

Les enseignants peuvent d’abord se tourner vers leur hiérarchie directe (chef d’établissement, inspecteur de l’éducation nationale) pour signaler les abus et demander une intervention. Les chefs d’établissement ont l’obligation de prendre des mesures pour assurer la sécurité de leur personnel et de faire remonter les incidents graves à l’autorité académique.

 

  • Les recours judiciaires

En cas de menace grave ou de violence, les enseignants peuvent déposer plainte auprès des forces de l’ordre (police ou gendarmerie). Ils peuvent également se constituer partie civile pour obtenir réparation devant les tribunaux.

 

  • La protection syndicale

Les syndicats enseignants jouent un rôle essentiel dans la protection de leurs membres. Ils fournissent des conseils juridiques, accompagnent les enseignants dans leurs démarches et interviennent parfois directement auprès des autorités académiques pour défendre les intérêts des enseignants.

 

La protection des enseignants face aux abus des parents d’élèves est une nécessité pour garantir un environnement éducatif serein et respectueux. Les dispositions légales en France offrent un cadre solide pour la défense des droits des enseignants, mais il est crucial que ces protections soient activement mises en œuvre et que les enseignants soient informés de leurs droits et des recours disponibles. Le cabinet VL Avocats accompagne les enseignants victimes dans l’exercice de leurs fonctions, aussi bien dans la sphère administrative que dans la sphère pénale.

 

Anne Laure Vojique

Avocate associée