La fin de détachement : une situation souvent conflictuelle

Le détachement est fréquemment utilisé par les fonctionnaires pour découvrir de nouvelles expériences professionnelles. Ainsi, de leur administration d’origine, ils sont amenés à découvrir d’autres fonctions, pendant un temps qui est encadré. Toutefois, nombreuses sont les administrations d’accueil qui décident, pour une raison ou une autre, de mettre fin au détachement d’un agent de manière anticipée.

 

Dans ces cas-là, la situation n’est pas évidente car peu de justifications incombent à l’administration d’accueil. Le point sur les règles applicables.

 

 

 

Tout d’abord, le détachement a été créé dans la fonction publique pour laisser beaucoup de souplesse aux administrations. Ainsi, l’administration d’origine ou d’accueil peut être à l’initiative d’une demande d’interruption du détachement de l’agent.

 

Cas général

 

Concernant les motifs d’une telle demande, l’administration d’accueil dispose d’une grande latitude: elle peut invoquer tout motif qui relève de l’appréciation de l’intérêt du service ! Ce qui peut aller d’une insatisfaction du travail de l’agent, à la réorganisation du service, en passant par la disparition du besoin… Le juge administratif ne censurera cette appréciation qu’en cas d' »erreur manifeste » (Conseil d’etat, 30 janvier 2015, n° 374772) – c’est-à-dire, en cas d’une erreur tellement grossière qu’elle sera invalidée.

 

Autant dire que cela n’est pas très contraignant…

 

Quelques règles procédurales sont néanmoins à respecter:

1) l’obligation de prendre une décision écrite et motivée;

et 2) si les motifs de la fin du détachement touchent à la personne (par exemple en cas d’inaptitude à l’exercice des fonctions), l’intéressé doit être informé de sa possibilité de prendre connaissance de son dossier (CE 18 mars 1988 n°55304).

 

En revanche, quant au respect d’un préavis, le principe existe mais dans les faits n’est pas tout le temps obligatoire. Ainsi, une demande de remise à disposition de l’employeur d’origine doit être adressée à ce dernier au moins 3 mois à l’avance.

 

Exceptions: aucun préavis n’est à respecter 1) en cas de faute grave commise par l’agent ; 2) lorsque la demande de réintégration émane de la collectivité d’origine.

 

Ensuite, que devient l’agent ?

 

En principe il est réintégré dans son administration d’origine. si cette réintégration est impossible – par exemple en l’absence d’emploi vacant –  l’agent continue à être rémunéré par l’organisme d’accueil, au plus tard jusqu’à sa réintégration dans son administration d’origine. En revanche, si son administration d’origine décide de le réintégrer même sans poste, c’est à elle qu’il reviendra de lui verser la rémunération à laquelle il a droit.

 

Justement, concernant cette rémunération: dans cette situation, l’agent peut percevoir son traitement de base et aux accessoires de l’emploi de détachement, à l’exclusion des éléments (primes ou indemnités, NBI) liés à l’exercice effectif des fonctions.

 

En cas de faute grave

 

Dans ce cas, il peut être mis fon au détachement sans délai. L’agent est alors remis à son administration d’origine.

 

En revanche, la décision de fin de détachement ne peut être prononcée sans que l’agent n’ait été mis à même de demander la communication de son dossier individuel.

 

En parallèle, l’agent peut être suspendu de ses fonctions, comme dans n’importe quelle autre situation disciplinaire.

La suspension de fonctions dans l’administration

La suspension de fonctions est une mesure dite conservatoire utilisée dans la fonction publique. Souvent vécue comme une sanction disciplinaire, elle permet de mettre temporairement un agent public à l’écart de son poste de travail tout en maintenant son lien juridique avec l’administration.

 

Fondements juridiques et objectifs

La suspension de fonctions est régie par plusieurs textes législatifs et réglementaires, notamment les articles L. 531-1 et suivants du Code général de la fonction publique, l’article 43 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux agents contractuels de la fonction publique d’Etat, l’article 36A du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, et l’article 39-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière.

 

 

La suspension vise plusieurs objectifs :

  • Préserver le bon fonctionnement du service public : Éviter que la présence d’un agent faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ou pénale ne perturbe le service ;
  • Protéger l’administration : Assurer que le fonctionnaire suspendu ne puisse pas commettre de nouvelles fautes pendant la durée de l’enquête ou de la procédure ;
  • Garantir les droits du fonctionnaire : En permettant une enquête approfondie tout en préservant son statut et ses droits.

 

La procédure de suspension

 

La décision de suspension relève généralement de l’autorité hiérarchique ayant pouvoir disciplinaire. La suspension étant une mesure conservatoire et non une mesure disciplinaire, elle n’a pas à être motivée, de même que l’agent ne doit pas obligatoirement être mis à même de consulter son dossier individue.

 

La suspension peut être prononcée dans plusieurs situations :

  1. Faute grave : Lorsqu’un fonctionnaire est présumé avoir commis une faute de nature à perturber gravement le fonctionnement du service.
  2. Mise en examen : Lorsqu’un fonctionnaire est mis en examen pour des faits susceptibles de constituer une faute grave ou une atteinte à la dignité de ses fonctions.
  3. Enquête administrative : Pendant la durée de l’enquête administrative visant à vérifier les faits reprochés.

 

Pendant la suspension, l’agent continue de percevoir son traitement indiciaire, son indemnité de résidence et son supplément familial de traitement, mais les primes et indemnités peuvent être suspendues.

 

La suspension est une mesure temporaire. Sa durée initiale ne peut excéder quatre mois, sauf si l’agent fait l’objet de poursuites pénales et qu’il ne peut ni être rétabli dans ses fonctions, ni affecté ou détaché sur un autre emploi. Dans ce cas, l’administration peut réduire le traitement indiciaire et l’indemnité de résidence de l’agent au maximum de moitié.

 

Conséquences de la suspension

 

L’agent public suspendu reste soumis aux obligations de discrétion professionnelle et de réserve. Il ne peut exercer une autre activité professionnelle incompatible avec son statut d’agent public, sauf autorisation expresse.

Qui dit suspension de fonctions ne dit pas nécessairement sanction disciplinaire. L’opportunité des poursuites disciplinaires dépendra des éléments reconstitués par l’administration notamment pendant la période de suspension.

La décision de suspension peut être contestée devant le juge administratif. L’agent public peut introduire un recours en annulation ou un référé-suspension pour faire suspendre la décision dans l’attente du jugement sur le fond.

 

Vous êtes l’objet d’une suspension de fonctions par votre administration, et éventuellement mis en cause dans le cadre d’une procédure pénale dans le cadre de vos fonctions d’agent public, notre cabinet peut vous accompagner dans votre défense.

 

Anne Laure Vojique, Avocate associée