Le défenseur d’un agent ne peut pas être empêché d’intervenir

Le droit pour tout agent d’être assisté par un défenseur dans le cadre de procédures officielles telles qu’un entretien préalable à un licenciement ou dans le cadre d’une procédure disciplinaire implique que le défenseur puisse prendre la parole librement, au risque d’entacher d’illégalité la décision qui sera prise à la suite (CAA Bordeaux,  27 février 2024, req. n°22BX00298).

 

 

 

Le droit d’être assisté par un défenseur, notamment par un avocat

 

Aux termes de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques :  » Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. (…) « .

 

Précisément, les agents publics peuvent donc choisir d’être assistés, notamment par un avocat, dans le cadre de certaines procédures officielles diligentées à leur encontre (notamment entretiens préalables dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou d’une décharge de fonctions, conseils de disciplines, etc.)

 

 

L’assistance en matière disciplinaire, un droit garanti pour tous les agents

 

C’est notamment le cas lors d’une procédure disciplinaire, à l’occasion de laquelle tout agent peut être accompagné par un ou plusieurs défenseurs de son choix.

 

Pour les fonctionnaires, c’est désormais l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique qui en prévoit le principe (« Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à l’assistance de défenseurs de son choix« ) ; pour les agents contractuels, ce droit est décliné dans chaque versant de la fonction publique par des dispositions règlementaires (Par exemple pour la fonction publique territoriale: art. 37 du décret n°88-145 du 15 février 1988 applicable aux agents contractuels).

 

 

Le droit d’être assisté : un droit qui ne peut pas être empêché

 

Loi d’être théorique, le droit d’être assisté a une traduction très pratique, puisqu’en sa qualité d’assistant, l’avocat ou le défenseur peut donc intervenir pour l’agent, développer une argumentation, demander des explications et compléter celles de l’agent.

 

Et gare à l’administration qui voudrait réduire ce défenseur au silence ! Le juge administratif vient récemment de le rappeler (CAA Bordeaux,  27 février 2024, req. n°22BX00298).

 

Dans cette affaire, un agent avait été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, et s’était présenté à l’entretien accompagné de son avocat. Toutefois, en début d’entretien, l’autorité de nomination a tout simplement refusé que l’avocat prenne la parole ! Pour tenter de compenser cette interdiction, ce dernier avait fait parvenir, à la suite de l’entretien, un courriel développant des observations écrites.

 

Mais le juge a considéré que peu importe l’envoi d’observations écrites, l’agent avait été privé d’une garantie qui devait conduire à l’annulation de la décision prise.

 

Attention donc, car le défenseur qui assiste un agent a le droit de… le défendre librement !

 

Agents publics et casier judiciaire

 

Le casier judiciaire est un élément crucial pour évaluer la probité et l’intégrité des agents publics, dont le rôle est d’assurer le bon fonctionnement des services publics. En France, le casier judiciaire est un document officiel qui recense les condamnations pénales d’une personne. Pour les agents publics, ce dossier est particulièrement important, car il joue un rôle dans les décisions de recrutement, ou de maintien dans la fonction.

 

Le casier judiciaire est un fichier informatique, divisé en trois bulletins, qui contient les informations sur les condamnations d’une personne :

  • Le bulletin n° 1, qui comprend l’ensemble des condamnations et des décisions de justice d’une personne, réservé aux magistrats et aux établissements pénitentiaires ;
  • Le bulletin n° 2, qui contient la plupart des condamnations et sanctions administratives, exclusivement destiné aux administrations et à certaines personnes morales ;
  • Le bulletin n° 3, qui comporte uniquement les condamnations pour crimes et délits les plus graves, et peut être délivré à la personne concernée.

 

L’une des conditions d’accès à la fonction publique est que les éventuelles mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire ne soient pas incompatibles avec l’exercice des fonctions (art. L. 321-1 du Code général de la fonction publique).

La compatibilité des mentions avec l’exercice des fonctions s’apprécie au cas par cas, sous le contrôle du juge administratif, selon des critères tels que la nature des fonctions, l’attitude de l’agent au cours de la procédure pénale, le niveau de responsabilité, le caractère récent ou ancien de la condamnation.

Il appartient ainsi à l’autorité administrative, au moment du recrutement de l’agent, de vérifier la compatibilité des mentions portées au casier judiciaire avec les futures fonctions.

Il convient de préciser que la juridiction pénale qui prononce une condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin n° 2 dans le jugement de condamnation. Dans le cas contraire, la personne condamnée pourra toujours, après un délai de six mois, solliciter le procureur de la République pour obtenir la disparition des mentions inscrites au bulletin n° 2.

Pour finir, il convient de relever qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à un agent public d’informer son employeur de la condamnation pénale dont il a fait l’objet postérieurement à son recrutement.

 

Anne Laure Vojique

Avocate associée

 

L’attestation d’honorabilité progressivement mise en place dans les collectivités

Si tout agent public doit évidemment exercer ses fonctions avec dignité, dans l’exercice de ses fonctions mais également en dehors du service, pour certains agents l’obligation d’honorabilité qui pèse sur eux est encore plus forte, et les employeurs publics doivent vérifier que ceux-ci ne sont pas visés par des incapacités à exercer certaines fonctions. Il en va ainsi des agents qui travaillent dans les secteurs de l’animation, le milieu médico-social, le sport, la culture, ainsi que les assistants maternels et familiaux, et plus largement tous les agents dont les fonctions sont au contact des mineurs.

 

Pour les collectivités employeurs, le contrôle de ces incapacités peut s’effectuer par divers moyens, et notamment la consultation des supports suivants:

  • casier judiciaire
  • fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS);
  • fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT).

 

Récemment, le gouvernement a instauré une possibilité complémentaire à disposition des administrations employeurs pour vérifier les incapacités éventuelles de leurs agents: l’attestation d’honorabilité. c’est ainsi que le décret n° 2024-643 du 28 juin 2024 relatif au contrôle des antécédents judiciaires des personnes mentionnées à l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles intervenant auprès de mineurs ou demandant l’agrément prévu à l’article L. 421-3 du même code a prévu les modalités de ce nouveau dispositif, complété par un arrêté d’application pris le 8 juillet 2024 et qui devra encore l’être par d’autres à venir.

 

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une attestation délivrée par le président du conseil départemental, sur demande, aux personnes intervenant ou souhaitant intervenir dans certains établissements, services et lieux de vie et d’accueil. Il s’agit notamment (art. R. 133-1 et -2 du CASF) : des crèches et halte garderies; des services accueillant des enfants scolarisés sur le temps périscolaire ; des établissements ou services mettant en œuvre des mesures de prévention ou d’aide sociale à l’enfance ; des établissements, lieux d’accueil et de vie qui prennent en charge des mineures sans protection.

Cette attestation est également remise aux assistants maternels et familiaux en vue de la délivrance de leur agrément.

 

Cette attestation doit être présentée par tout agent déjà en poste ou toute personne qui postule à un emploi concerné par la vérification:

  • avant le début de l’activité concernée: dans ce cas l’attestation doit avoir moins de 6 mois ;
  • et ensuite tous les trois ans.

Concernant les assistants maternels et familiaux, l’attestation doit être fournie par le demandeur bien sûr, mais aussi par les personnes majeures ou mineures âgées d’au moins 13 ans vivant à son domicile. Cette attestation doit être fournie lors de la demande d’agrément, et également lors de son renouvellement.

 

Que peut contenir cette attestation ?

En toute hypothèse, si l’attestation est délivrée, c’est que le bulletin n°2 du casier judiciaire et le FIJAIS ne contiennent aucune inscription ou information relative aux condamnations visées à l’article L. 133-6 code de l’action sociale et des familles.

A l’inverse, si elle n’est pas délivrée, c’est que précisément des inscriptions ou des informations établissent l’existence d’une telle condamnation.

Mais il existe une troisième hypothèse: l’attestation peut être délivrée en indiquant l’existence d’une mise en examen ou d’une condamnation non définitive au vu des informations contenues dans le FIJAIS. Dans ce cas, cela signifie que l’agent, sans être frappé d’incapacité, fait néanmoins l’objet d’une condamnation non définitive ou mise en examen inscrite au FIJAIS.

 

Les devoirs de l’employeur

Lorsqu’une collectivité reçoit une attestation d’honorabilité, quelques étapes sont à respecter pour en vérifier l’authenticité:

  1. En vérifier la validité, puisque toute attestation remise doit être datée de moins de 6 mois
  2. En vérifier l’authenticité: Pour cela deux possibilités: soit scanner le QR code qui se trouve sur l’attestation ; soit aller vérifier sur le site https://honorabilite.social.gouv.fr/ avec l’indication du code unique figurant sur l’attestation:
  3. Comparer les informations : les informations de l’attestation qui apparaissent à l’écran doivent être strictement identique avec celles figurant sur l’attestation remise.

En cas de non présentation de l’attestation, la situation dépend s’il s’agit d’un recrutement ou d’une titularisation sur un poste ou d’un contrôle en cours d’activité.

Dans le premier cas : la collectivité employeur ne pourra tout simplement pas recruter ou titulariser la personne concernée. Il en va de même, cela va de soi, s’il a fourni une attestation non authentique.

Dans le second cas :

  • la collectivité peut toujours décider de suspendre l’agent de ses fonctions, en cas de suspicion de faute grave. Elle peut par la suite engager une procédure disciplinaire à l’encontre de l’agent à raison des faits constitutifs de manquements à ses obligations ;
  • lorsqu’une condamnation judiciaire comporte une interdiction d’exercer toute fonction publique, l’administration se trouve en situation de compétence liée et doit faire cesser les fonctions de l’agent en prononçant sa radiation des cadres (art. L. 550-1 code général de la fonction publique);
  • En revanche, si l’interdiction ne porte que sur des fonctions comportant des contacts avec des mineurs, l’agent pourrait le cas échéant être reclassé sur un autre emploi ;
  • Lorsque l’employeur est informé d’une condamnation non définitive ou d’une mise en examen au titre de l’une des incapacités mentionnées par l’article L. 133-6 code de l’action sociale et des familles, il peut prononcer une mesure de suspension temporaire d’activité jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente, en raison de risques pour la santé ou la sécurité des personnes ;
  • Lorsque l’incapacité est avérée et qu’il n’est pas possible de proposer un autre poste de travail n’impliquant aucun contact avec des personnes accueillies ou accompagnées, il est mis fin au contrat de travail ou aux fonctions de la personne concernée.

 

Dispositions transitoires et calendrier d’application

 

Le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions a été fixé par un arrêté du 8 juillet 2024 :

  • dès le 3ème trimestre 2024 : Essonne ; Hauts-de-Seine ; Maine-et-Loire ; Nord ; Paris ; Vendée
  • au premier trimestre 2025: Ain ; Aisne ; Alpes-Maritimes ; Aube ; Bouches-du-Rhône ; Cantal ; Corrèze ; Eure-et-Loir ; Gironde ; Ille-et-Vilaine ; Loire ; Loire-Atlantique ; Moselle ; Pas-de-Calais ; Hautes-Pyrénées ; Savoie ; Haute-Savoie ; Hauts-de-Saône ; Seine-et-Marne ; Deux-Sèvres ; Tarn ; Var ; Val-D’Oise
  • au second trimestre 2025, pour l’ensemble du territoire français.

 

Des dispositions transitoires ont été prévues en l’absence d’attestation d’honorabilité pendant ces périodes :

  1.  Pour les employeurs ou responsables des établissements, services et lieux de vie et d’accueil : ceux-ci disposent d’un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur des dispositions pour obtenir une attestation pour les personnes concernées par l’obligation ;
  2. Pour les assistants maternels et familiaux, lors du dépôt de dossier d’agrément, le président du conseil départemental peut contrôler les antécédents judiciaires selon les modalités classiques (c’est-à-dire production d’un extrait du bulletin n°2 du casier judiciaire, pour le demandeur et chaque majeur vivant au domicile) jusqu’au 31 décembre 2026;
  3. ces modalités de contrôle (bulletin n°2) sont en tout état de cause toujours possibles en cas de non présentation d’attestation.