A l’occasion d’un litige concernant la fin anticipée de détachement d’un agent, la CAA de Paris a fait un rappel des règles existantes en matière de motivation des décisions individuelles défavorables, et c’est éclairant (CAA Paris, 19 mars 2021, Mme D. c/ Champigny-sur-Marne, req. n° 20PA00367).
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Clémentine Lacoste et Anne-Laure Vojique
Avocats en droit de la fonction publique
De l’importance de motiver les décisions individuelles défavorables
- 02/04/2021
Tout d’abord, le juge rappelle que le code des relations entre le public et l’administration oblige les personnes publiques à motiver toute une série de décisions défavorables qui concernent les agents[1]. En outre, lorsque la motivation d’une décision individuelle est exigée, celle-ci doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision[2].
Voilà pour les règles légales de base, déjà connues.
Ensuite, le juge rappelle que la décision par laquelle l’autorité administrative met fin à un détachement avant son terme fait partie des décisions devant être motivées. Et ce même si l’agent a été recruté sous le statut de collaborateur de cabinet, ces emplois revêtant un caractère discrétionnaire.
Autre point important, lorsque la décision individuelle défavorable est implicite (car par exemple l’administration n’a pas répondu dans un délai de 2 mois à une demande de son agent), ce dernier devra d’abord demander à son administration la communication des motifs de la décision. A défaut d’une telle demande, il ne pourra pas soulever ensuite au contentieux un moyen tiré de l’absence de motivation de la décision.
Surtout, le juge rappelle que lorsque la décision individuelle est expresse, la motivation doit figurer dans la décision elle-même, voire dans un document auquel elle renvoie expressément, sans qu’il incombe à son destinataire de demander communication de ses motifs. Dans le cas d’une telle décision individuelle défavorable qui n’aurait pas été motivée par l’administration, cette dernière ne peut donc pas, par la suite, soutenir qu’il aurait appartenu à son agent de demander la communication des motifs.
Précision importante : c’est bien la motivation écrite de la décision qui sera vérifiée par le juge, et elle seulement. Autrement dit, même si à un moment de la procédure les motifs de la décision ont été indiqués oralement à l’agent concerné (en l’espèce, une réunion avait été organisée en compagnie de l’agent préalablement à la décision), cela ne dispense pas l’administration d’écrire ces motifs noir sur blanc dans le corps de la décision.
L’importance d’une décision bien motivée est donc réelle pour les administrations, afin d’éviter une annulation contentieuse pour ce motif.
Rappelons toutefois que si l’absence ou l’insuffisance de motivation constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique, celle-ci ne donnera pas lieu à réparation si la même décision aurait pu être légalement prise dans le cas d’une procédure régulière. Autrement dit, si sur le fond la décision était justifiée, l’absence ou l’insuffisance de sa motivation n’entraînera pas de conséquence pour la personne publique concernée.
Clémentine Lacoste
Avocate Associée
[1] Article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration.
[2] Article L. 211-5 du même code