Si tout agent public doit évidemment exercer ses fonctions avec dignité, dans l’exercice de ses fonctions mais également en dehors du service, pour certains agents l’obligation d’honorabilité qui pèse sur eux est encore plus forte, et les employeurs publics doivent vérifier que ceux-ci ne sont pas visés par des incapacités à exercer certaines fonctions. Il en va ainsi des agents qui travaillent dans les secteurs de l’animation, le milieu médico-social, le sport, la culture, ainsi que les assistants maternels et familiaux, et plus largement tous les agents dont les fonctions sont au contact des mineurs.
Pour les collectivités employeurs, le contrôle de ces incapacités peut s’effectuer par divers moyens, et notamment la consultation des supports suivants:
- casier judiciaire
- fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS);
- fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT).
Récemment, le gouvernement a instauré une possibilité complémentaire à disposition des administrations employeurs pour vérifier les incapacités éventuelles de leurs agents: l’attestation d’honorabilité. c’est ainsi que le décret n° 2024-643 du 28 juin 2024 relatif au contrôle des antécédents judiciaires des personnes mentionnées à l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles intervenant auprès de mineurs ou demandant l’agrément prévu à l’article L. 421-3 du même code a prévu les modalités de ce nouveau dispositif, complété par un arrêté d’application pris le 8 juillet 2024 et qui devra encore l’être par d’autres à venir.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’une attestation délivrée par le président du conseil départemental, sur demande, aux personnes intervenant ou souhaitant intervenir dans certains établissements, services et lieux de vie et d’accueil. Il s’agit notamment (art. R. 133-1 et -2 du CASF) : des crèches et halte garderies; des services accueillant des enfants scolarisés sur le temps périscolaire ; des établissements ou services mettant en œuvre des mesures de prévention ou d’aide sociale à l’enfance ; des établissements, lieux d’accueil et de vie qui prennent en charge des mineures sans protection.
Cette attestation est également remise aux assistants maternels et familiaux en vue de la délivrance de leur agrément.
Cette attestation doit être présentée par tout agent déjà en poste ou toute personne qui postule à un emploi concerné par la vérification:
- avant le début de l’activité concernée: dans ce cas l’attestation doit avoir moins de 6 mois ;
- et ensuite tous les trois ans.
Concernant les assistants maternels et familiaux, l’attestation doit être fournie par le demandeur bien sûr, mais aussi par les personnes majeures ou mineures âgées d’au moins 13 ans vivant à son domicile. Cette attestation doit être fournie lors de la demande d’agrément, et également lors de son renouvellement.
Que peut contenir cette attestation ?
En toute hypothèse, si l’attestation est délivrée, c’est que le bulletin n°2 du casier judiciaire et le FIJAIS ne contiennent aucune inscription ou information relative aux condamnations visées à l’article L. 133-6 code de l’action sociale et des familles.
A l’inverse, si elle n’est pas délivrée, c’est que précisément des inscriptions ou des informations établissent l’existence d’une telle condamnation.
Mais il existe une troisième hypothèse: l’attestation peut être délivrée en indiquant l’existence d’une mise en examen ou d’une condamnation non définitive au vu des informations contenues dans le FIJAIS. Dans ce cas, cela signifie que l’agent, sans être frappé d’incapacité, fait néanmoins l’objet d’une condamnation non définitive ou mise en examen inscrite au FIJAIS.
Les devoirs de l’employeur
Lorsqu’une collectivité reçoit une attestation d’honorabilité, quelques étapes sont à respecter pour en vérifier l’authenticité:
- En vérifier la validité, puisque toute attestation remise doit être datée de moins de 6 mois
- En vérifier l’authenticité: Pour cela deux possibilités: soit scanner le QR code qui se trouve sur l’attestation ; soit aller vérifier sur le site https://honorabilite.social.gouv.fr/ avec l’indication du code unique figurant sur l’attestation:
- Comparer les informations : les informations de l’attestation qui apparaissent à l’écran doivent être strictement identique avec celles figurant sur l’attestation remise.
En cas de non présentation de l’attestation, la situation dépend s’il s’agit d’un recrutement ou d’une titularisation sur un poste ou d’un contrôle en cours d’activité.
Dans le premier cas : la collectivité employeur ne pourra tout simplement pas recruter ou titulariser la personne concernée. Il en va de même, cela va de soi, s’il a fourni une attestation non authentique.
Dans le second cas :
- la collectivité peut toujours décider de suspendre l’agent de ses fonctions, en cas de suspicion de faute grave. Elle peut par la suite engager une procédure disciplinaire à l’encontre de l’agent à raison des faits constitutifs de manquements à ses obligations ;
- lorsqu’une condamnation judiciaire comporte une interdiction d’exercer toute fonction publique, l’administration se trouve en situation de compétence liée et doit faire cesser les fonctions de l’agent en prononçant sa radiation des cadres (art. L. 550-1 code général de la fonction publique);
- En revanche, si l’interdiction ne porte que sur des fonctions comportant des contacts avec des mineurs, l’agent pourrait le cas échéant être reclassé sur un autre emploi ;
- Lorsque l’employeur est informé d’une condamnation non définitive ou d’une mise en examen au titre de l’une des incapacités mentionnées par l’article L. 133-6 code de l’action sociale et des familles, il peut prononcer une mesure de suspension temporaire d’activité jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente, en raison de risques pour la santé ou la sécurité des personnes ;
- Lorsque l’incapacité est avérée et qu’il n’est pas possible de proposer un autre poste de travail n’impliquant aucun contact avec des personnes accueillies ou accompagnées, il est mis fin au contrat de travail ou aux fonctions de la personne concernée.
Dispositions transitoires et calendrier d’application
Le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions a été fixé par un arrêté du 8 juillet 2024 :
- dès le 3ème trimestre 2024 : Essonne ; Hauts-de-Seine ; Maine-et-Loire ; Nord ; Paris ; Vendée
- au premier trimestre 2025: Ain ; Aisne ; Alpes-Maritimes ; Aube ; Bouches-du-Rhône ; Cantal ; Corrèze ; Eure-et-Loir ; Gironde ; Ille-et-Vilaine ; Loire ; Loire-Atlantique ; Moselle ; Pas-de-Calais ; Hautes-Pyrénées ; Savoie ; Haute-Savoie ; Hauts-de-Saône ; Seine-et-Marne ; Deux-Sèvres ; Tarn ; Var ; Val-D’Oise
- au second trimestre 2025, pour l’ensemble du territoire français.
Des dispositions transitoires ont été prévues en l’absence d’attestation d’honorabilité pendant ces périodes :
- Pour les employeurs ou responsables des établissements, services et lieux de vie et d’accueil : ceux-ci disposent d’un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur des dispositions pour obtenir une attestation pour les personnes concernées par l’obligation ;
- Pour les assistants maternels et familiaux, lors du dépôt de dossier d’agrément, le président du conseil départemental peut contrôler les antécédents judiciaires selon les modalités classiques (c’est-à-dire production d’un extrait du bulletin n°2 du casier judiciaire, pour le demandeur et chaque majeur vivant au domicile) jusqu’au 31 décembre 2026;
- ces modalités de contrôle (bulletin n°2) sont en tout état de cause toujours possibles en cas de non présentation d’attestation.