Le silence des textes
Il n’existe aucune disposition législative ou règlementaire réglementant la procédure d’enquête administrative.
Ainsi, aucun texte général ne fait de l’enquête administrative un préalable obligatoire au prononcé d’une sanction disciplinaire. Le juge administratif n’y trouve rien à redire et affirme sans ambiguïté qu’ « aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n’obligeait l’administration à procéder à une enquête disciplinaire » (CE, 15 mars 2004, Ministère de l’Intérieur, req. n° 255392).
L’opportunité de diligenter une enquête administrative est donc laissée totalement à l’appréciation de l’administration employeur, selon la gravité des faits reprochés à l’agent et le contexte. L’enquête administrative s’impose parfois à l’administration au risque de fragiliser la sanction prise. En effet, une faute disciplinaire ne saurait être présumée et la charge de la preuve incombe à l’administration, le juge administratif vérifiant l’exactitude matérielle des faits reprochés (CE, 26 juillet 1985, Ministre de l’intérieur, req. n° 64024).
Les textes ne sont pas plus prolixes concernant l’organisation de l’enquête administrative elle-même. En effet, ni la composition de la commission d’enquête ni le déroulement de celle-ci n’est règlementé.
C’est ainsi qu’une enquête administrative peut revêtir des formes très diverses. Une exigence d’impartialité et de respect de droits de la défense se dégage cependant, au risque, dans le cas contraire, de fragiliser le résultat de l’enquête.
Le respect des droits de la défense
Aux termes de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905 :
« Tous les fonctionnaires civils et militaires […] ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, […] avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office […] »
Selon la jurisprudence, ce principe général de communication ne s’applique pas aux seules mesures disciplinaires, mais à toutes mesures prises en considération de la personne (CE, 8 décembre 2017, La Poste, req. n° 402103).
C’est au visa de cet article que le Conseil d’Etat a récemment précisé les obligations de l’administration en matière de respect des droits de la défense en cas de conduite d’une enquête administrative pré-disciplinaire (CE, 5 février 2020, Ministre des solidarités et de la santé, req. n° 433130) :
« lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné »
En d’autres termes, il appartient à l’administration de communiquer à l’agent concernant par une éventuelle procédure disciplinaire (ou mesure prise en considération de la personne) tant le rapport établi à l’issue de l’enquête que les procès-verbaux des auditions.
Si cette jurisprudence constitue bien une avancée dans le respect des droits de la défense en amont d’une procédure disciplinaire, elle n’étend pas pour autant le principe du respect du contradictoire à toute cette phase d’enquête. Seule s’impose une « obligation de loyauté » de la part de l’employeur.
Anne Laure Vojique
Associée chez VL Avocats