Dans un intéressant arrêt de tribunal administratif, le juge a annulé la décision d’une administration refusant la demande de détachement formulée par un de ses agents. Ce qui pêche en l’espèce, d’après le juge, est que l’administration a avancé les nécessités du service mais sans les justifier précisément et les appliquer au cas de l’intéressé.
Dans cet arrêt (TA Orléans, 24 janv. 2023, n° 2003136), une surveillante pénitentiaire, agent du ministère de l’Intérieur, avait demandé son détachement vers la police municipale de la ville d’Orléans. Tout était réglé, et elle avait même une promesse d’embauche de la part de la ville. Mais le ministère a rejeté sa demande de détachement. L’agente s’est alors tournée vers le tribunal administratif, pas pour demander l’annulation de cette décision mais uniquement des conséquences financières des préjudices nés du refus.
Dans le cadre de son examen, le juge rappelle d’abord que :
si le détachement d’un fonctionnaire, y compris dans une autre fonction publique, constitue une garantie fondamentale de sa carrière, il n’en constitue pas pour autant un droit automatiquement accordé, mais sous réserve notamment de l’appréciation, par l’administration d’origine, des nécessités de son service. »
Or c’est précisément là que le bât blesse. Car le ministre de l’intérieur avait justifié sa décision de refus en se fondant sur le taux de couverture de près de 95% et un taux de surpopulation carcérale de 118% sur l’établissement dans lequel était affecté l’agent. Dans ces conditions, le juge a considéré logiquement que le ministère n’a pas « apporté les précisions nécessaires à apprécier la situation particulière de l’intéressée et le risque lié à une surpopulation carcérale. » De plus, il s’avère que les chiffres avancés par le ministère concernaient l’année 2021, alors que le refus de détachement avait été opposé en 2019.
Compte tenu de tous ces éléments, le juge a considéré que la décision de refus de détachement était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et était donc illégale. Puis, il a tiré les conséquences de ce constat concernant les demandes de préjudices formulées par la requérante:
- il a d’abord considéré que ce refus illégal avait privé l’intéressée du droit de percevoir une rémunération supérieure auprès de la ville d’Orléans. Pour ce faire, il a comparé la rémunération qui était promise par la ville, et celle perçue à l’époque par l’agente;
- en revanche, le juge a rejeté la demande de préjudice formulée sur le terrain de la perte de chance sérieuse d’exercer le métier de maîtresse-chien au sein de la brigade cynophile d’Orléans, considérant que la réalité de cette perte de chance n’était pas justifiée;
- enfin, il a accordé 2000€ à l’agente au titre du préjudice moral, considérant que celle-ci justifiait un état moral dégradé depuis l’annonce du refus.
La morale de cette histoire est donc que si l’administration avance l’intérêt du service pour justifier une décision de refus, elle ne doit pas se contenter de justifications générales, mais bien de circonstances précisées et personnalisées au cas de chaque agent qu’elle examine. Au risque d’engager sa responsabilité.